L’épopée
du Chevalier Gabriel de CLIEU
Ce ne fut qu’en 1721 et à la troisième tentative
que Gabriel de Clieu réussit, non sans mal, la transplantation
du café au nouveau monde.
Dès 1718, Gabriel de Clieu fit de nombreuses démarches
pour obtenir l’un des caféiers offert par le bourgmestre
d’Amsterdam à Louis XIV, elles furent longtemps infructueuses
:
« Je revins plusieurs fois à
la charge, sans me rebuter, enfin la réussite couronna ma
constance. J’en eus l’obligation à Mr de Chirac,
premier médecin du Roy Louis XV, qui ne put résister
aux instances réitérées d’une dame de
qualité dont j’employais le crédit
auprès de lui »
Et c’est en 1720 que de Clieu s’embarque à Rochefort
avec deux boutures de caféiers venant du Jardin du Roy, à
bord d’un navire nommé « le Dromadaire ».
La traversée fut mythique. Au large de Madère, une
attaque de pirates tunisiens en pleine nuit risqua de coûter
la vie à l’équipage. Arrivé sous les
tropiques, alors qu’un espion hollandais tentait de détruire
les jeunes caféiers, le navire se trouva pris dans une violente
tempête. Une voie d’eau se déclara, ils durent,
pour alléger le navire, jeter à la mer leur cargaison,
et ne conserver que quelques barriques d’eau douce.
Plus tard immobilisé par le manque de vents, l‘eau
potable commença à manquer cruellement sur le navire
et on du la rationner. Chacun eut sa part, et Gabriel de Clieu,
dans un acte héroïque, partagea sa maigre ration d’eau
avec ses caféiers.
L’introduction du café à
la Martinique
À l’arrivée, dans la baie de Saint-Pierre, de
Clieu emporta sa précieuse marchandise dans sa propriété
du Prêcheur : « Je le fis planter dans un lieu de mon
jardin le plus favorable à son accroissement, quoique je
le gardasse à vue, il faillit m’être enlevé
plusieurs fois, de manière que je fus obligé de l’entourer
de piquants et d’y établir une garde jusqu'à
majorité »
Là, ce fut un succès car en moins de 20 mois, il lui
fut possible de distribuer de jeunes plantes, tant les boutures
avaient bien poussé.
Ainsi, la culture du café eut un réel succès
d’autant plus que la mortalité avait frappé
les champs de cacaoyers. Le café devint donc « une
planche de salut».
Une économie coloniale
les premières exportations du café de Martinique commencèrent
quelques années plus tard, car les récoltes étaient
de plus en plus abondantes.
En 1725, les caféiers partiront vers Haïti. En 1726,
la Guadeloupe sera, à son tour, pourvue en graines de caféier
et en 1732, c’est la Jamaïque qui recevra de précieuses
graines de café.
Le caféier se répandit rapidement en Martinique, surtout
après qu’un tremblement de terre suivi de cyclones
eut détruit, en 1727, une grande partie des plantations de
cacaoyers et de cannes à sucre.
La puissante Compagnie des Indes qui avait le monopole de la vente
du café en France, s’émut et elle obtint du
Roi, en 1729, que fût interdite la culture du caféier
aux îles de l’Amérique.
Les colons n’en continuèrent pas moins leurs plantations
et dès 1730, les premières exportations vers la France
commencèrent, mais ce café était considéré
alors comme un produit de contrebande. Il existe un rapport de deux
agents des fermes du port de Marseille, signalant avoir saisi le
10 février 1730, sur le navire « La Vénus »,
un lot de café en provenance des Iles et destiné à
la maison Roux. La fraude portait sur… 24 livres !
Ce n’est qu’en 1736 qu’un arrêt du Conseil
d’État rendait libres l’entrée et la vente
du café en France et l’année suivante, il en
pénétrait 7.000 tonnes sur le territoire français.
Les plantations s’étendirent rapidement : de 100.000
en 1727, le nombre des pieds de caféiers passa à 8
millions en 1734, et à 12,8 millions en 1737, pour se maintenir
jusqu’à la fin du XVIIIème siècle aux
environs de 10 millions.
Le déclin du café en Martinique
La culture se maintint prospère jusqu’en 1789, avec
un certain fléchissement à la fin du siècle.
En effet, outre la situation économique générale,
l’apparition des maladies venait hâter la ruine des
caféiers. Ceux-ci cultivés sur un sol épuisé
par une culture continue, devenaient de plus en plus faibles et
sensibles à l’attaque des parasites.
En Martinique, les troubles de la Révolution et la prise
de l’île par les Anglais déterminèrent
l’abandon de nombreuses plantations. Les immenses revenus
des habitations sucrières, alors que le café lourdement
taxé se vendait mal, accentuèrent le mouvement.
En 1852, le prix du sucre ayant atteint son apogée, les colons
sacrifièrent leurs dernières plantations de cacaoyers
et de caféiers pour y substituer la canne à sucre.
Concurrencé par la canne à sucre et par des cafés
en provenance d’autres pays, le café martiniquais va
perdre de son importance jusqu’à disparaître
complètement à la fin du XIXème siècle
sous l’attaque conjuguée d’une larve et d’un
champignon, sans parler de l’abandon des plantations par les
esclaves libérés.
Lorsqu’à la fin du XIXème siècle survint
la crise sucrière, on repensa à la culture de caféiers,
mais il fallait des capitaux importants. Cette condition n’étant
pas remplie, la décadence de la culture du café sur
l’île alla grandissant pour donner un maximum de 636
kg à l’exportation en 1906. retour
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